Les vies trop facilement « ignorées » : une défenseure des familles plaide en faveur d’une surveillance robuste de l’AMM

L’importance de la surveillance

Une série spéciale de billets des conseillers de la NPPV

Par Donna Thomson, conseillère de la NPPV

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En 2005, notre fils Nicholas a été admis aux soins palliatifs de notre hôpital local pour enfants. La grave paralysie cérébrale de Nick se compliquait par une douleur incontrôlée, de l’épilepsie et des complications respiratoires. Tous les membres de la famille, et particulièrement Nick, cherchaient désespérément du réconfort, du repos et la fin de ce cauchemar de souffrances constantes.

En tant que mère et principale proche aidante, je n’ai jamais cessé de soutenir les traitements qui apaisent la douleur de Nick. Cela dit, mon mari et moi, nous nous sommes promis qu’il n’y aurait plus de chirurgies ni d’interventions douloureuses.  Nous avons cherché des mesures de réconfort et des façons d’enrichir notre vie, bien que restreintes, pour tous les membres de notre famille.

La toile de fond de notre drame à la maison a été l’affaire Latimer. Dans mon livre, The Four Walls of My Freedom, j’ai écrit « En janvier 2001, j’avais écrit une lettre au rédacteur en chef d’un journal d’Ottawa qui appuyait le jugement de la Cour suprême du Canada sur la peine de Robert Latimer. Je crois que le public aurait réagi très différemment si Tracy Latimer n’avait pas été handicapée ou si elle avait souffert des effets du cancer, par exemple. Il me semble évident que de nombreuses personnes qui se sentaient repoussées par la frayeur d’apporter des soins complets à une personne aussi handicapée que Tracy Latimer ont apaisé leur culpabilité en soutenant Robert Latimer, et même en le glorifiant. Les gens qui soutenaient Robert Latimer avaient si peur de la dépendance qu’ils étaient heureux d’en effacer la trace. »

Les incapacités de Tracy Latimer étaient semblables à plusieurs égards à celles de notre Nicholas et, en 2005, cette affaire régnait toujours dans l’imagination de l’opinion publique. Pour nous, la possibilité que des professionnels de la santé gèrent la souffrance de notre fils et offrent à notre famille des façons et des moyens de vivre une vie agréable présentait un véritable défi. Nicholas a presque été « ignoré » comme s’il ne méritait pas d’être traité.

Nicholas a survécu, et il vit aujourd’hui une vie très agréable grâce aux soins particuliers que lui apporte un infirmier. Mais si l’AMM avait été disponible en 2005, je crois qu’on le lui aurait proposé comme une option viable. Soutenir la vie d’une personne lourdement dépendante est très coûteux. Donc, les coûts et les avantages associés à la prestation de soins de santé exigeant un haut niveau de prise en charge se retrouvent naturellement évalués par les contribuables, les décideurs, les administrateurs des soins de santé et même par les patients et les familles elles-mêmes. La réalité est que notre fils aime sa vie. À partir de son lit ou de son fauteuil, il adapte ses préférences à ses capacités. Il gère un groupe de paris sportifs pour la famille et les amis, tient un blogue sportif à l’aide d’un ordinateur à interrupteur, partage ses opinions sur la politique sur Twitter et écoute des livres sous format audio. Il a aussi beaucoup d’amis qui l’aiment.

Nicholas bénéficie d’arrangements financiers qui lui permettent de survivre et de bien vivre. Sans cette assistance (que mon mari et moi ne pouvons lui offrir parce que nous sommes trop âgés), la vie de Nick serait en fait misérable et il en mourrait certainement. La Norme sur la protection des personnes vulnérables protège sa vie ainsi que les soins qui lui sont apportés, car elle avance qu’une vie comme celle de notre fils a une valeur, et elle constitue une solution de rechange viable à l’aide médicale à mourir.

Dans le cas des enfants et des jeunes ayant des incapacités graves ou des maladies chroniques, des conversations sur l’AMM auront lieu et les administrateurs des hôpitaux ont du mal à se préparer à cette nouvelle réalité. Les arguments en faveur d’« une vie digne d’être vécue » seront formulés par les personnes les plus proches de l’enfant et de la famille, et aucune discussion sur l’AMM ne devrait avoir lieu sans un examen approfondi des traitements, des mesures de soutien et des services disponibles pouvant soulager la souffrance et améliorer la qualité de vie. Notre seule façon de nous assurer que de tels examens sont menés ouvertement et honnêtement est de préciser dans le cadre des renseignements exigés par le règlement de surveillance sur l’AMM que les médecins doivent rendre compte de la teneur de leurs discussions sur l’AMM.

Mon inquiétude est que dans ce climat d’austérité, les budgets alloués aux soins à domicile et les options de mesures de soutien aux patients et familles seront artificiellement limités par les résultats financiers. Aussi, il est urgent de mettre en place un système de surveillance national qui donne confiance aux Canadiennes et Canadiens que nous ne nous faufilons pas vers un recours accru à l’AMM en réponse à la réduction des budgets de la santé et des soins à domicile.

Si nous donnions à notre fils le choix de se passer d’un infirmier pour recommencer à respirer ou d’opter pour l’aide médicale à mourir, je pense qu’il tenterait sa chance avec le premier choix, mais la décision lui appartiendrait. Nous sommes très heureux qu’il puisse jouir de toutes les mesures de soutien dont il a besoin pour s’épanouir.

L’AMM est une pente glissante pour les personnes handicapées et leurs familles. Nous devons protéger notre droit de vivre et de bien vivre et la Norme sur la protection des personnes vulnérables nous aide à y parvenir.

Donna Thomson est une conseillère de la NPPV. Elle est l’auteure de The Four Walls of My Freedom (House of Anansi Press, 2014), et elle publie régulièrement sur son blogue The Caregivers’ Living Room (donnathomson.com). Donna Thomson siège à titre d’administratrice sur le conseil d’administration de Kids Brain Health Network. Elle est également défenseure de l’engagement familial au sein de la recherche sur les incapacités infantiles.